Thomas Jolly à la tête du fonds d’aide aux jeux vidéo du CNC

AuteurArticle écrit par Florian Reumont
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date de publication26/06/2025
Portrait d’un homme photographié en studio sur fond noir, vêtu d’un haut noir à col montant qu’il soulève partiellement avec ses deux mains, comme s’il se préparait à l’enfiler ou à le retirer. Son expression est sérieuse et intense, avec un regard dirigé droit vers l’objectif. Il a les cheveux courts, légèrement ondulés, une barbe de quelques jours, et un teint clair. L’éclairage, en clair-obscur, met en valeur les traits de son visage, ainsi que les veines apparentes de son bras droit, renforçant la tension dramatique de l’image. Cette composition évoque une atmosphère artistique, introspective ou mystérieuse, fréquemment utilisée dans les visuels promotionnels d’artistes ou de créateurs du milieu culturel ou vidéoludique.

C'est une annonce qui a fait son petit effet dans les cercles culturels et vidéoludiques: Thomas Jolly, metteur en scène emblématique et ancien directeur artistique des cérémonies des Jeux olympiques de Paris 2024, a été nommé président de la commission du fonds d’aide aux créateurs de jeux vidéo (FAJV) du CNC. Cette nomination, révélée le mardi 24 juin, marque une nouvelle étape dans la reconnaissance du jeu vidéo comme véritable discipline artistique et pilier de la création contemporaine.

Avec cette décision, le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) opère un choix à la croisée des mondes: celui d’un homme passionné par la scène mais également fervent amateur de jeux vidéo, affirmant haut et fort que le "ludisme" l’a toujours accompagné. Un signal fort envoyé à une industrie en quête de reconnaissance institutionnelle, mais aussi à une jeune génération de créateurs souvent en mal de financements.

Alors que le secteur vidéoludique français s’illustre par des succès critiques et commerciaux — à l’image du récent Clair Obscur: Expedition 33 — cette nomination pourrait-elle marquer un tournant dans le soutien public au jeu vidéo ? Une question légitime, tant les enjeux culturels et économiques sont aujourd’hui colossaux.

 

Profil du nouveau président: Thomas Jolly

Un metteur en scène de renom

Thomas Jolly s’est imposé au fil des années comme l’un des metteurs en scène les plus audacieux et novateurs de sa génération. Révélé au grand public grâce à sa relecture monumentale d’Henry VI de Shakespeare en 18 heures, il a su conjuguer modernité scénographique, ambition artistique et accessibilité populaire, trois piliers qui semblent aujourd’hui parfaitement transposables au monde du jeu vidéo.

Son travail sur les cérémonies des Jeux olympiques de Paris 2024, dont il a été le directeur artistique, a confirmé sa capacité à orchestrer des événements d’envergure mêlant culture populaire, performance artistique et narration immersive. Cette expérience d’envergure a sans doute pesé dans sa nomination à la tête du FAJV, symbolisant la volonté du CNC de renforcer les liens entre les différents arts narratifs.

Un gamer revendiqué

Mais au-delà de ses talents de metteur en scène, c’est aussi sa passion pour le jeu vidéo qui rend cette nomination si pertinente. "Depuis l’enfance, je joue. Pas seulement au théâtre – mais aussi aux jeux vidéo", a-t-il confié avec sincérité. Une déclaration qui en dit long sur l’approche qu’il pourrait adopter dans son nouveau rôle: à la fois passionnée, respectueuse des créateurs, et tournée vers l’innovation.

Thomas Jolly n’en est d’ailleurs pas à sa première incursion dans l’univers vidéoludique: lors de la cérémonie d’ouverture des JO, il avait intégré un clin d’œil appuyé à Assassin’s Creed, en faisant apparaître un personnage encapuchonné virevoltant sur les toits de Paris. Un symbole fort, destiné à célébrer le savoir-faire français en matière de jeu vidéo, mais aussi à inscrire ce médium dans le panthéon culturel légitime de la France.

 

Le rôle et les missions de la commission FAJV

Historique et origines du fonds (2008, CNC 2021)

Créé en 2008, le fonds d’aide aux créateurs de jeux vidéo (FAJV) est un dispositif public destiné à soutenir la filière vidéoludique française dans ses premières phases de création. Initialement piloté par le ministère de la Culture, il a été confié en 2021 au Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), renforçant son intégration dans le paysage culturel institutionnel.

Depuis cette reprise en main, la gouvernance du fonds s’est structurée autour d’une commission composée d’experts (développeurs, éditeurs, compositeurs, scénaristes, etc.) qui évaluent les projets selon leur qualité artistique, leur faisabilité, leur originalité et leur potentiel économique. L’objectif: aider les studios à franchir les premières étapes, souvent les plus délicates, de la création d’un jeu vidéo — de la préproduction à la réalisation d’un prototype.

Objectifs: soutenir la création et le jeu vidéo indépendant

Selon le gouvernement, le fonds vise à "accompagner la diversité de la création dans le domaine du jeu vidéo" et à "favoriser la structuration du secteur du jeu indépendant". En d’autres termes, il encourage les expérimentations, les approches narratives singulières, les gameplays novateurs — bref, tout ce qui fait du jeu vidéo un 10e Art en constante évolution.

Le FAJV n’a pas pour vocation de financer exclusivement les blockbusters à gros budgets: il est un levier précieux pour les petites structures, souvent innovantes mais fragiles économiquement. Il peut aussi soutenir des manifestations professionnelles (festivals, rencontres, salons) favorisant la diffusion, la visibilité et le réseautage des acteurs du secteur.

 

Impacts financiers et industriels

Budget annuel et crédits d’impôts (5 M€, 30 %)

Le jeu vidéo, en France, ne se contente plus d’être un loisir: c’est un secteur stratégique, culturel et économique. Le budget annuel alloué au fonds d’aide aux créateurs de jeux vidéo s’élève à 5 millions d’euros, une somme modeste au regard des enjeux, mais qui peut faire toute la différence pour les studios en phase de préproduction ou de prototypage.

En parallèle, le crédit d’impôt jeu vidéo (CIJV), mis en place en 2007, vient renforcer cette dynamique. Il permet aux entreprises françaises de bénéficier d’un allègement fiscal de 30 % des dépenses de production, à condition que le jeu réponde à certains critères culturels et techniques. Ce dispositif fiscal a été crucial pour maintenir et développer une industrie locale compétitive face aux géants américains et asiatiques.

Résultats concrets en 2023 (144 projets, 66 M€)

En 2023, 144 jeux vidéo ont bénéficié du soutien du FAJV, soit presque quatre fois plus qu’en 2016. Ce bond spectaculaire reflète à la fois la montée en puissance du secteur et la reconnaissance croissante du jeu vidéo comme art à part entière. Les aides attribuées ont représenté 66 millions d’euros de dépenses fiscales pour l’État, un investissement public substantiel qui témoigne de la confiance institutionnelle envers les créateurs français.

Cette dynamique a permis l’émergence de projets ambitieux et artistiquement marquants, renforçant la visibilité de la scène vidéoludique hexagonale à l’international. Un succès récemment illustré par le retentissement critique et médiatique de Clair Obscur: Expedition 33, preuve que l’investissement public dans le jeu vidéo n’est pas un pari risqué, mais une stratégie culturelle et économique payante.

 

Un fonds encore trop sélectif ?

Trop peu de studios bénéficiaires

Malgré des chiffres en hausse et un soutien institutionnel affirmé, beaucoup de professionnels du secteur estiment encore que le FAJV reste trop sélectif. En effet, si 144 projets ont été aidés en 2023, cela reste une infime fraction des studios français — indépendants ou non — qui déposent un dossier chaque année. Plusieurs développeurs témoignent de la complexité des démarches, de critères jugés parfois flous, ou encore d’un manque de lisibilité dans les choix opérés par la commission.

Certains petits studios, notamment en région, se sentent exclus d’un système perçu comme davantage favorable aux structures déjà établies ou bénéficiant de réseaux dans les sphères culturelles. Cette situation peut freiner l’éclosion de jeunes talents et la diversification des approches vidéoludiques, alors même que la richesse du secteur repose justement sur cette variété.

« Beaucoup de très bons projets n’obtiennent rien, simplement parce qu’ils ne rentrent pas dans certaines cases culturelles ou artistiques. » – Développeur indépendant interrogé anonymement

Vers une politique d’élargissement et d’accessibilité ?

L’arrivée de Thomas Jolly à la présidence de la commission suscite donc de grands espoirs. Sa sensibilité artistique, son regard de joueur et son discours inclusif pourraient favoriser une évolution des critères de sélection, vers une plus grande ouverture et une plus grande transparence dans l’attribution des aides.

Les professionnels du jeu vidéo espèrent également un accompagnement plus pédagogique, avec un soutien dès la phase de dépôt du dossier, voire un suivi après la décision. Il s’agirait là d’un changement de paradigme, visant à faire du FAJV non pas seulement un guichet d’aide, mais un véritable partenaire de la création vidéoludique en France.

 

Symbolique et perception de cette nomination

Des ponts entre théâtre, jeux vidéo et culture populaire

La nomination de Thomas Jolly à la tête du FAJV ne s'inscrit pas seulement dans une logique administrative: elle possède une forte portée symbolique. Elle réunit deux mondes que tout semblait opposer — le théâtre et le jeu vidéo — mais qui partagent pourtant des valeurs communes: l’imaginaire, la narration, l’interaction, et la création d’univers.

En confiant cette responsabilité à un artiste issu du spectacle vivant, le CNC envoie un message clair: le jeu vidéo est un art à part entière, au même titre que le cinéma, la danse ou le théâtre. Une reconnaissance institutionnelle précieuse dans un contexte où le jeu vidéo lutte encore, parfois, pour sortir de l’image d’un simple produit de divertissement.

Et ce n’est pas un hasard si Thomas Jolly avait glissé un hommage appuyé à Assassin’s Creed dans la cérémonie d’ouverture des JO: cet acte manifeste de légitimation du jeu vidéo sur une scène mondiale a marqué les esprits, et semble aujourd’hui annoncer une volonté d’hybridation entre les formes culturelles.

Les controverses: légitimité et positionnement idéologique

Toutefois, cette nomination n’est pas exempte de débats. Certains dans l'industrie s’interrogent sur la légitimité d’un profil venu de l’extérieur du secteur vidéoludique. Peut-on réellement comprendre les défis techniques, économiques et structurels du jeu vidéo quand on vient du théâtre ? Cette interrogation, récurrente dans de nombreuses filières culturelles, reflète une crainte de déconnexion avec les réalités du terrain.

À cela s’ajoute un débat plus idéologique sur la place du jeu vidéo dans la culture française: doit-il rester un domaine avant tout industriel et commercial, ou se fondre davantage dans les politiques culturelles classiques ? Thomas Jolly, avec sa posture de médiateur entre arts traditionnels et cultures numériques, pourrait bien réconcilier ces visions divergentes, en apportant un regard neuf sur la création vidéoludique.

 


En quelques mots

La nomination de Thomas Jolly à la tête du fonds d’aide aux créateurs de jeux vidéo n’est pas un simple changement de figure administrative: c’est un signal fort envoyé à toute l’industrie culturelle. Elle affirme que le jeu vidéo, au même titre que le théâtre ou le cinéma, est un espace d’expression artistique légitime, soutenu par l’État et intégré dans les circuits institutionnels.

Avec son profil singulier de metteur en scène et gamer assumé, Thomas Jolly symbolise une nouvelle génération de passeurs culturels, capables de briser les cloisons entre les arts, d’enrichir les critères de sélection, et d’ouvrir davantage le FAJV à une création audacieuse, diversifiée et inclusive.

Mais les défis restent nombreux: accroître l’accessibilité du fonds, le rendre plus transparent, élargir la base des bénéficiaires et accompagner plus efficacement les studios. Si ces chantiers sont menés avec intelligence, cette nomination pourrait bien marquer un tournant décisif pour le jeu vidéo français, qui n’a jamais été aussi fertile, créatif… et en quête de reconnaissance.

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