
Le monde du jeu vidéo continue de surprendre par ses retournements stratégiques. Ce 29 juillet 2025, Atari, entreprise emblématique de l’industrie vidéoludique, a frappé fort en annonçant l’acquisition de plus de 80 % des parts de Thunderful Group, un développeur et éditeur suédois reconnu pour ses franchises comme SteamWorld, ISLANDERS, Lost in Random et Vampire’s Fall. Cet investissement, d’environ 4,5 millions d’euros, propulsera Atari au rang d’actionnaire majoritaire, détenant 82 % des actions et des droits de vote de Thunderful.
Cette opération marque une étape majeure dans la stratégie d’expansion d’Atari. Bien loin de ses débuts axés sur les consoles rétro et les classiques du jeu d’arcade, la firme cherche désormais à s’imposer à nouveau sur le marché du développement de jeux contemporains. En acquérant Thunderful, elle met la main sur un catalogue varié et une expertise appréciée.
Mais au-delà des chiffres, ce rachat soulève des questions stratégiques : que recherche Atari dans Thunderful ? Quels impacts cette acquisition pourrait-elle avoir sur les licences existantes et sur la structure du groupe suédois ? Et surtout, quelles ambitions Atari nourrit-elle à travers cette offensive capitalistique ?
Le contexte de l’opération
L’identité et les principaux jeux de Thunderful Group
Fondé en 2017, Thunderful Group s’est rapidement imposé comme un acteur solide de la scène vidéoludique européenne. Basée en Suède, l’entreprise regroupe plusieurs studios de développement ainsi qu’une branche d’édition, Thunderful Publishing. Le groupe s’est forgé une réputation grâce à des jeux indépendants innovants et artistiquement marqués.
Parmi ses licences phares, on retrouve notamment :
- SteamWorld, une série appréciée pour son mélange unique de stratégie, de plateforme et de narration steampunk.
- ISLANDERS, un jeu de construction minimaliste aux mécaniques addictives.
- Lost in Random, un titre narratif à l’univers burtonien, salué pour sa direction artistique.
- Vampire’s Fall, un RPG sombre aux accents classiques, mais efficace.
Thunderful s’est spécialisé dans les jeux au format moyen ou indépendant, capables de séduire à la fois les critiques et les joueurs, sans nécessiter des budgets AAA colossaux. Cette philosophie a fait de l’entreprise un bon candidat pour une acquisition stratégique : sa structure est agile, ses licences sont établies, et son potentiel de croissance est réel.
Les motivations stratégiques pour Atari
Pour Atari, l’intérêt est multiple. Depuis quelques années, la marque cherche à diversifier ses sources de revenus au-delà du rétrogaming, en s’impliquant davantage dans l’édition, le Web3, et les jeux modernes. Thunderful représente donc une porte d’entrée directe dans l’écosystème des jeux indépendants, un secteur en pleine effervescence.
Atari pourrait ainsi bénéficier :
- D’un accès immédiat à un portefeuille de licences déjà exploitées.
- D’une capacité interne de développement via les studios de Thunderful.
- D’une présence renforcée en Europe, notamment en Scandinavie.
- D’une valeur de marque accrue en intégrant des titres bien reçus par la critique.
Citation :
"Thunderful combine une expertise technique et créative qui correspond parfaitement à nos ambitions de renaissance et d’innovation", selon le PDG d’Atari.
Les modalités de l’investissement
Montant, parts et dilution
L’annonce officielle faite par Atari le 29 juillet 2025 indique un investissement à hauteur de 4,5 millions d’euros. Ce montant, bien que modeste comparé à certaines mégafusions de l’industrie, permet à Atari de prendre un contrôle stratégique sur Thunderful Group en acquérant 82 % des actions en circulation et des droits de vote équivalents. Cela signifie que la majorité des décisions au sein de Thunderful sera désormais dictée par Atari, modifiant profondément la gouvernance du groupe suédois.
Ce pourcentage implique également une forte dilution du pouvoir décisionnel des actionnaires existants, ce qui, dans certains cas, pourrait susciter des réticences. Néanmoins, deux des principaux actionnaires actuels ont déjà donné leur accord (nous y reviendrons dans la section suivante), ce qui limite les risques de blocage.
Cette stratégie permet à Atari de s’imposer rapidement et efficacement sans avoir à procéder à une acquisition complète, tout en conservant une marge de manœuvre financière pour de futures opérations ou investissements.
Financement : ressources propres ou prêt via IRATA LLC
L’un des éléments intéressants de cette acquisition réside dans son mode de financement. Atari a précisé que la transaction serait financée soit par ses propres ressources, soit via un nouvel accord de prêt contracté avec IRATA LLC, sa société holding.
Ce double levier illustre la souplesse stratégique d’Atari, qui cherche à optimiser son endettement tout en sécurisant ses initiatives de croissance. En s’appuyant potentiellement sur IRATA LLC, Atari évite de trop grever sa trésorerie immédiate et garde une capacité d’action intacte.
Ce choix montre également une volonté de structurer les acquisitions à long terme, en les intégrant dans une dynamique financière équilibrée. Dans un secteur aussi volatile que le jeu vidéo, la prudence budgétaire reste un facteur de solidité.
Le chemin vers l’approbation
L’assemblée générale extraordinaire du 28 août 2025
Si Atari a déjà sécurisé une grande partie des actions de Thunderful Group, la transaction n’est pas encore totalement actée. Elle doit encore passer par une étape formelle mais cruciale : l’approbation lors d’une assemblée générale extraordinaire, prévue autour du 28 août 2025.
Lors de cette réunion, les actionnaires de Thunderful seront invités à voter sur les termes de l’investissement d’Atari. Ce processus est obligatoire pour valider légalement l’entrée majoritaire d’un nouvel acteur dans le capital de l’entreprise. Même si le pourcentage d’actions déjà acquis par Atari rend peu probable un rejet global, cette réunion permettra de confirmer l’adhésion formelle des parties prenantes.
C’est aussi lors de cette assemblée que pourraient être discutées les conséquences organisationnelles du rachat, comme la recomposition du conseil d’administration, la redéfinition des orientations stratégiques ou encore l’intégration progressive dans l’écosystème Atari.
Le soutien des actionnaires actuels (Bergsten & Sigurgeirsson)
Un des éléments les plus rassurants pour Atari est le soutien affiché de deux actionnaires majeurs : Owe Bergsten et Brjann Sigurgeirsson, figures historiques du groupe suédois. À eux deux, ils détiennent 29,9 % des parts de Thunderful, soit près d’un tiers de l’entreprise avant la transaction.
Leur accord à l’opération constitue un signal fort pour les autres investisseurs et réduit significativement les risques d’opposition lors de l’assemblée générale. Leur appui permet aussi de penser que cette acquisition s’est faite en bonne entente, et non par hostilité ou pression externe.
Cela renforce également l’idée que Thunderful pourrait préserver une certaine autonomie créative tout en bénéficiant de l’appui financier et stratégique d’Atari. Ce type de fusion "consensuelle" est souvent plus efficace à long terme, car il évite les luttes internes et les départs en cascade.
Conséquences potentielles et perspectives
Impacts pour Thunderful : restructuration, avenir des licences
L’arrivée d’Atari en tant qu’actionnaire majoritaire va inévitablement entraîner des changements structurels au sein de Thunderful Group. Si pour l’instant aucune annonce officielle ne mentionne de licenciements ou de restructurations majeures, le passage sous pavillon Atari pourrait mener à :
- Une réorganisation des priorités de développement.
- L’introduction de nouveaux processus de gestion ou de contrôle budgétaire.
- Une potentielle harmonisation avec la vision éditoriale d’Atari.
Cependant, le soutien affiché par des figures historiques du groupe laisse penser que Thunderful conservera une certaine indépendance artistique. C’est un point crucial, car les licences comme SteamWorld ou Lost in Random doivent leur succès à une identité forte et cohérente, difficilement compatible avec une direction trop centralisée.
Concernant les projets en cours ou à venir, la question se pose : verra-t-on un SteamWorld édité directement sous la bannière Atari ? Les prochaines années pourraient réserver quelques surprises en matière de branding ou de distribution.
Opportunités pour Atari : renforcement en Europe, synergies
Pour Atari, cette acquisition est plus qu’un simple placement financier : c’est une porte ouverte vers de nouvelles opportunités créatives et commerciales. Grâce à Thunderful, l’entreprise peut :
- Renforcer sa présence sur le marché européen, notamment dans la scène indépendante.
- Profiter d’une équipe de développeurs expérimentés, rodés aux cycles courts de production.
- Accéder immédiatement à des franchises valorisées, sans avoir à les développer en interne.
- Créer des synergies techniques et éditoriales entre ses propres projets et ceux de Thunderful.
Il ne serait pas étonnant de voir Atari intégrer certains éléments de son ADN rétro dans les projets Thunderful, ou inversement, utiliser les studios suédois pour expérimenter sur des formats narratifs ou de gameplay plus modernes.
Citation :
"Ce rachat marque une nouvelle étape dans notre ambition de bâtir un catalogue diversifié, centré sur la qualité et l’innovation", déclarait un porte-parole d’Atari.
En quelques mots
Le rachat de Thunderful Group par Atari est bien plus qu’une simple transaction financière : c’est une manœuvre stratégique qui pourrait redéfinir la trajectoire des deux entreprises. Pour Atari, c’est l’opportunité de revenir au premier plan de l’industrie vidéoludique moderne, en s’appuyant sur un acteur respecté du développement indépendant. Pour Thunderful, c’est une chance d’accéder à de nouvelles ressources tout en élargissant son rayonnement international.
Bien que l’assemblée générale du 28 août 2025 reste une formalité incontournable, tout laisse à penser que cette acquisition se fera dans un climat d’adhésion. Les synergies possibles sont nombreuses, à condition que l’identité créative de Thunderful ne soit pas noyée dans une logique purement financière.
Ce rapprochement entre deux entreprises aux cultures très différentes symbolise peut-être une nouvelle ère pour Atari : celle d’un acteur tourné vers l’avenir, prêt à miser sur l’agilité, la créativité et l’innovation indépendante pour s’imposer de nouveau dans un marché en constante évolution.